Derrière la façade des maisons de retraite : ma réponse à Envoyé Spécial

Aujourd'hui, l'ergothérapeute prend le dessus sur la blogueuse que je suis . Je te reviens avec un article hors du commun car ...


Aujourd'hui, l'ergothérapeute prend le dessus sur la blogueuse que je suis. Je te reviens avec un article hors du commun car j'ai besoin de m'exprimer sur le reportage de Julie Pichot et Vincent Liger diffusé dans Envoyé Spécial le 20 septembre 2018.

Cette émission aborde le sujet des EHPAD (Etablissements d'Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes) ou plus communément appelées "maisons de retraite". Elle met en lumières, à travers une enquête "choc", le cas des établissements privés à but lucratif et notamment les 2 leaders Korian et Orpea. Globalement, ces établissements sont montrés comme maltraitants : manque de personnel et de moyens, nourriture rationnée, soins bâclés, etc. En parallèle, on nous montre un établissement associatif vu comme "parfait" où tout se passe pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Je suis ergothérapeute diplômée d'état depuis 2 ans et j'ai toujours travaillé en lien avec les EHPAD qu'elles soient publiques ou privées. J'ai notamment travaillé pour un établissement Korian et je suis actuellement employé pour une maison de retraite du groupe Domus Vi. Mon expérience est en complète contraction avec ce qui est montrée dans cette enquête.


Les tarifs des EHPAD
Mettre l'un de ses proches en maison de retraite est un réel investissement qu'elle soit publique ou privée. Pour comparaison, les EHPAD publiques du Pas-de-Calais dans lesquelles j'ai travaillé pratiquaient un tarif mensuel moyen de 2500€ par mois, l'EHPAD Korian parisien 6000€ et l'établissement picard Domus Vi dans lequel je travaille actuellement 3500€. Ce tarif, comme expliqué dans le reportage, finance uniquement la partie hôtellerie et hébergement de l'établissement. Cela explique donc que plus la chambre occupée est grande, plus elle est onéreuse et selon le lieu où l'on se trouve, le prix du mètre carré varie. 

Le personnel soignant et le matériel médical sont financés notamment par l'Etat et les ARS (Agences Régionales de Santé). Ainsi, ce que la personne en EHPAD ou son entourage paient n'est pas un gage de moyens humains ni de qualité des soins. Il peut aussi y avoir un écart important entre le salaire du personnel de l'EHPAD et le tarif mensuel payé par les résidents. En effet, le salaire du personnel soignant et paramédical est loin d'être mirobolant. Dans mon cas, un ergothérapeute jeune diplômé (niveau d'étude Licence BAC+3) peut prétendre à un salaire de 1450€ net en EHPAD publique et entre 1550€ et 1650€ net en privé.

Les Moyens Matériel
Les personnes vieillissantes nécessitent la mise en place de matériel adaptés : canne, déambulateur, fauteuil roulant, coussins de positionnement ; mais aussi de produits de soins : protections, pansements, crèmes, etc. Ce matériel présente un coût mensuel important pour les établissements. 

Dans ma profession, le matériel médical est l'un de mes outils principal, je cherche à installer les résidents au mieux afin qu'ils puissent être actifs durant leurs activités quotidiennes : se déplacer, manger, se divertir, effectuer leurs soins personnels. Dans les EHPAD privées à but lucratif où j'ai travaillé, j'ai toujours eu la liberté de commander le matériel nécessaire pour les résidents tandis que dans les EHPAD publiques j'ai dû faire avec du vieux matériel, souvent cassé ou inadapté et j'ai été confrontée à un manque important de matériel (chaise de douche, aides à la mobilisation).

Le Personnel Soignant
Les aides soignants, infirmiers, aides de soins en gérontologie ou encore aides médico psychologiques sont au cœur de la prise en charge des résidents. Leur nombre est essentiel mais il ne fait pas tout. Leur implication, leur bienveillance et leur formation continue sont également indispensables.

En tant qu'ergothérapeute, j'ai pour mission de participer à la formation continue des soignants, je travaille en étroite collaboration avec eux sur la mobilisation des résidents, la prévention des escarres, la conservation de l'autonomie et de l’indépendance des résidents dans leurs soins personnels. J'ai eu l'occasion de travailler avec des équipes soignantes impliqués mais aussi avec des équipes en difficultés que l'on pourrait qualifier de maltraitante. L'implication des soignants n'a rien à voir avec le caractère privé ou publique de l'EHPAD.


L'Alimentation des Résidents
L'alimentation des résidents est un vaste sujet qui passe notamment par : l'élaboration des repas, la gestion des troubles de la déglutition, les aides à la prise des repas, la surveillance du poids. Dans les groupes privés à but lucratif, l'alimentation des résidents est un point clef de la démarche commerciale. En effet, les plats sont cuisinés sur place et la prise des repas s'effectue souvent dans un restaurant avec un service hôtelier. Un soins particulier est apporté aux saveurs et à la présentation des repas. Tandis que dans les établissements publiques, les repas sont cuisinés dans une centrale qui redistribue les plats dans les différents établissements. Les saveurs et la présentation sont généralement de moins bonne qualité.

Le reportage d'Envoyé Spécial montrait des résidents "livrés à eux même" dans une pièce, devant leur plat, incapable de se nourrir seuls. Dans les établissements où j'ai travaillé, je n'ai jamais vu cela, que ce soit dans le privé ou dans le public !

Les Activités Proposées
Terminons avec un dernier point au cœur de ma profession : effectuer des activités qui ont un sens pour nous, nous permet de nous réaliser. Dans les EHPAD il existe plusieurs types d'activités :

  • Les activités proposées par l'animateur. Ces activités quotidiennes sont à destination de tous les résidents relativement cohérents sur les plans cognitifs.
  • Les activités encadrées par les équipes soignantes. Il s'agit du type d'activités que l'on retrouve dans les unités dédiées aux résidents présentant des démences. Ces activités ne nécessitent pas forcément une unité spécifique aux démences pour être réalisées mais elles doivent être encadrées par des soignants sensibilisées à la gestion et la contenance des troubles du comportement.
  • Les activités créées par les rééducateurs : ergothérapeute, psychomotricien, kinésithérapeute, orthophoniste. Généralement on retrouve un ergothérapeute et/ou un psychomotriciens salarié en EHPAD. Ils ont pour rôle d'encadrer les activités des équipes soignantes et de créer des activités individuelles ou de groupe pour stimuler la motricité, les fonctions cognitives, le lien avec l'extérieur de la résidence.
Mes expériences professionnelles montrent qu'il n'y a pas réellement de différences entre les activités proposées dans le privé et dans le public. Cependant, je trouve qu'une plus grande liberté est laissée aux professionnels de rééducations dans les résidences privées pour créer des activités et événements originaux.

Pour conclure, contrairement a ce qui a été montré dans le reportage d'Envoyé Spécial, je trouve qu'il fait plus "bon vivre" pour les personnes âgées dans les EHPAD issues de groupes privées que dans les résidences publiques même s'il y a forcément les exceptions qui confirment la règle. J'aime travailler en gérontologie avec des personnes âgées dépendantes et démentes et je préfère travailler dans le secteur privé pour une meilleure prise en charge des résidents.

Et toi, as-tu regardé ce reportage ? Que penses-tu des maisons de retraites privées et publiques ?

Tendresse et baisers sucrés

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2 petits mots

  1. Coucou Bérengère ! Je n'ai pas vu ce reportage mais j'imagine bien le contenu pour en avoir vu des similaires... Merci pour ton partage d'expérience qui est à la fois rassurant et consternant. On réalise que les maisons de retraite sont des entreprises comme les autres. Pour avoir travaillé dans le privé et le public dans un tout autre secteur que toi, je préfère aussi largement le privé où on te laisse t'exprimer et explorer même quand les moyens ne sont pas mirobolants.
    À très vite !

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  2. Ah il faut que je regarde ce reportage! Franchement je vais t'avouer, j'ai travaillé dans deux établissements de repos et de soins (communément appelés MRS) et l'une était pas trop avec manque de personnel, timing pas adapté mais repas préparés sur place et service fait par les AS Et les gens reprenaient s'ils avaient encore faim. Et, des gens seul devant leur assiettes? Jamais vu. L'autre MRS était mieux niveau personnel et matos de qualité, les gens étaient soignés aux p'tits oignons. L’ambiance était pas top par contre avec une grosse compétition antre les étages (et totalement inutile)

    Bref, il FAUT que je regarde ce truc, c'est impératif :)

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